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Christopher Tolkien – La Légende de Sigurd et Gudrún

« Chancelant sur le seuil,

lança cris effroyables ;

là, l’enfer l’emporta,

démembré, morcelé. »

La Légende de Sigurd et Gudrún est la première publication d’une œuvre de J.R.R. Tolkien jusqu’alors inconnue, dont le texte consiste essentiellement en deux longs poèmes composés par l’auteur probablement au début des années 30 : Le Nouveau Lai des Völsung et Le Nouveau Lai de Gudrún. Voici la présentation de l’ouvrage rédigée par Christopher Tolkien, éditeur du livre, paru aux Éditions Bourgois en 2010. ~

Il y a de cela bien des années, J.R.R. Tolkien a composé sa propre version, désormais publiée pour la première fois, de la fameuse légende de l’antiquité nordique, dans deux poèmes étroitement liés qu’il a intitulés Le Nouveau Lai des Völsung et Le Nouveau Lai de Gudrún.

Dans le Lai des Völsung est exposée la généalogie du grand héros Sigurd, meurtrier de Fáfnir, le plus illustre des dragons et dont il s’appropria le trésor ; la façon dont il réveilla Brynhild, la Valkyrie endormie, encerclée par un rempart de flammes, ainsi que leurs fiançailles ; son arrivée à la cour des grands princes que l’on appelait les Niflung (ou Nibelung), avec lesquels il se lia d’un serment de fraternité. À cette cour se révéla un grand amour mais aussi une grande haine, causée par le pouvoir de la mère des Niflung, enchanteresse habile dans les arts de la magie, de la métamorphose et des filtres d’oubli.

Dans des scènes d’une grande intensité dramatique, de confusion d’identité, de passion contrariée, de jalousie et de lutte amère, la tragédie de Sigurd et Brynhild, du Niflung Gunnar et de sa sœur Gudrún, culmine et s’achève par le meurtre de Sigurd des mains de ses frères jurés, le suicide de Brynhild et le désespoir de Gudrún. Dans le Lai de Gudrún est narré le destin de cette dernière après la mort de Sigurd ; son mariage, contre son gré, au puissant Atli, chef des Huns (l’Attila historique), le meurtre des seigneurs Niflung, ses frères, par Atli, ainsi que sa terrible vengeance.

Dérivant sa version essentiellement d’une étude minutieuse de l’ancienne poésie de Norvège et d’Islande connue sous le titre d’Edda poétique (et, là où n’existe aucune poésie ancienne, de la Völsunga Saga), J.R.R. Tolkien emploie une forme métrique consistant en courtes strophes, dont les vers représentent, en anglais, le rythme allitératif exigeant et l’énergie concentrée des poèmes de l’Edda.

Outre des commentaires nécessaires à la compréhension des poèmes et de leurs sources, l’ouvrage contient également trois appendices : l’Appendice A examine les origines de la légende ; l’Appendice B fournit un court poème en couplets rimés écrit par J.R.R. Tolkien, La Prophétie de la Sybille, également inspiré du poème eddique de la Völuspa ; l’Appendice C consiste en fragments d’un « poème héroïque sur Attila en vieil anglais » (avec sa traduction). Enfin, l’Introduction à l’ouvrage donne un extrait substantiel d’une conférence sur l’Edda poétique, source primaire majeure de la légende de Sigurd et Gudrún, prononcée par J.R.R. Tolkien dans les années 1930.

Je le reproduis dans ce livre avant tout pour faire entendre la voix de l’auteur des poèmes présentés dans cet ouvrage. Il écrivait (afin de s’exprimer à l’oral) de façon personnelle et essentielle sur l’Edda poétique,  au sujet de laquelle personne ne l’a entendu depuis sa dernière conférence sur le vieux norrois, à Oxford, il y a près de soixante-dix ans. 

Comme je désirais fort peu aller à la recherche d’un trésor enfoui ou combattre des pirates, L’île au trésor me laissait assez indifférent. Les Peaux Rouges m’allaient mieux : il y avait des arcs et des flèches (j’avais et j’ai encore un désir entièrement inassouvi de bien tirer à l’arc), des langues bizarres, des aperçus d’un mode de vie archaïque et, surtout, des forêts. Mais le pays de Merlin et d’Arthur valait mieux, le meilleur de tous étant le Nord sans nom de Sigurd des Völsung et prince de tous les dragons. Ces pays étaient éminemment désirables.
~ J.R.R. Tolkien, Du Conte de fées, 1947