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Christopher Tolkien, Beowulf ~ Traduction et Commentaire avec ~ Sellic Spell

Une introduction à la traduction en prose du Beowulf par J. R. R. Tolkien, éditée par Christopher Tolkien et publiée en 2014.

« Cet ouvrage n’est pas une édition de Beowulf et il offre encore moins une analyse critique des opinions de son auteur. Il est plutôt conçu comme un hommage à l’érudition distinctive de J.R.R. Tolkien, illustrée en ses propres termes jusqu’à présent inédits. » 

Dans une édition établie par Christopher Tolkien, cet ouvrage contient la traduction en prose de Beowulf de J.R.R Tolkien, ses notes et commentaires, ainsi que son conte, Sellic Spell, sa version en vieil anglais et deux versions d’un poème : Le Lai de Beowulf

J.R.R.Tolkien avait réalisé une traduction en prose de Beowulf vers 1926, à l’époque où il fut élu professeur d’anglo-saxon à Oxford ; il avait 34 ans. Le texte avait été « terminé » en ce sens qu’il allait du début à la fin du poème, mais on ne saurait le dire « achevé », car l’auteur y revint ultérieurement pour apporter des corrections hâtives aux endroits où il avait changé d’avis concernant l’interprétation de mots ou passages en vieil anglais, ou la pertinence des termes modernes qu’il avait employés.
Cependant ses conférences universitaires prononcées dans les années 1930 et expressément consacrées au texte du poème éclairent grandement sa traduction ; c’est à partir de ces réflexions qu’a été élaboré un commentaire pour le présent ouvrage.

Dans les extraits de ses conférences publiés ici pour accompagner sa traduction de Beowulf, on peut constater d’une part l’attention minutieuse que portait J.R.R. Tolkien aux détails linguistiques dans l’original, sa quête du sens exact dans les mots ou passage descriptifs (souvent rendus obscurs par les rédacteurs du manuscrit) : tels le fait que Beowulf et ses hommes secouent leur cotte de mailles en échouant leur navire sur la côte du Danemark ; leur accueil par le garde-côte, la structure de la grande porte de Heorot brisée en deux par Grendel, ou les ongles de sa terrible main.

D’autre part, l’on découvre des conceptions d’une portée et d’une résonance qui vont au-delà de ce sentiment puissant de « réalité » physique : Heorot, avec ses bancs ornés d’or et ses tapisseries aux murs, apparaît comme un grand sanctuaire païen (« C’est sur ce site convoité [que Hrothgar] a fait édifier sa grande halle »), voué à être incendié lors d’une farouche vendetta. Le dragon qui tue Beowulf « fulmine dans sa rage stupéfaite et sa concupiscence bafouée ».

Cependant Beowulf n’est pas « juste une autre histoire de dragon : l’ensemble est sombre, tragique, sinistre, singulièrement réel ; il est chargé d’histoire et nous ramène au cœur de l’âge païen des ténèbres, au-delà de la mémoire des chants, mais non hors de la portée de l’imagination. »

A été rajouté à la traduction et au commentaire son œuvre Sellic Spell, (« conte merveilleux »), dans lequel J.R.R. Tolkien a imaginé l’histoire de Beowulf sous une forme plus simple et plus ancienne, antérieure à toute association avec les « légendes historiques » des anciens royaumes scandinaves. Dans la seule note sur Sellic Spell qui nous soit parvenue, J.R.R. Tolkien écrivait :

« Cette version est une histoire, non l’histoire. Elle n’est, dans une certaine mesure, qu’une tentative pour reconstruire le récit anglo-saxon qui réside derrière l’élément de récit populaire présent dans Beowulf ; en plusieurs endroits, il n’est pas possible de le faire avec certitude ; en certains points (par exemple l’omission du voyage de la mère de Grendel), mon récit n’est pas tout à fait identique.

Son objectif principal est d’exposer la différence de style, de ton et d’atmosphère visible si l’on supprime l’aspect particulièrement héroïque ou historique. Bien sûr, nous ne savons pas quels étaient précisément le style et le ton de ces éléments vieil anglais désormais disparus. J’ai donné à mon récit un mode d’expression scandinave en l’écrivant tout d’abord en vieil anglais. Et en le rendant intemporel, j’ai suivi une habitude très répandue dans les récits populaires tels qu’ils nous sont parvenus.

En ce qui concerne Beowulf, j’ai tenté de [dessiner?] une forme à l’histoire qui aurait rendu très facile le lien avec la Légende Historiale, surtout dans le personnage d’Unfriend [Non-ami]. Et aussi une forme qui « explique » Handshoe [Main-chaussure] et la disparition des compagnons dans le récit tel que nous le connaissons. Le fait qu’Ashwood [Bois-de-hêtre], le troisième compagnon, soit de quelque manière lié au garde-côte n’est qu’une simple conjecture.

La fille unique intervient comme élément typique du récit populaire. Je l’ai associée à Beowulf. Mais ici, le procédé originel était évidemment beaucoup plus compliqué, en fait. Plus d’un récit (ou motif de récits) était associé aux maisons royales qui étaient celles des Danois et des Gètes. »

Enfin, le livre propose deux versions du Lai de Beowulf ; créations de l’auteur qui rendent l’histoire sous la forme d’une ballade conçue pour être chantée.

Grendel surgit au cœur de la nuit ;
La lune dans ses yeux comme du verre brillant,
Tandis que par les landes il cheminait puissant
Jusqu’à ce qu’il parvînt à Heorot.

Sombre était la vallée ; aux fenêtres, des lumières ;
Près du mur il rôda et écouta longtemps,
Et il maudit leur rire, et il maudit leur chant,
Et les harpes qui résonnaient à Heorot.

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